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Le dilemme de Jean Valjean
2.1.1
.
Discours et pièges du discours
2.1.5. Légalité et légitimité de la norme
Situation
:
Jean Valjean
, ancien forçat évadé et repenti, a changé d’identité pour se cacher et est devenu
Monsieur Madeleine
, bourgeois honnête et bienfaiteur de Montreuil-sur-mer. Il vient
d’apprendre par l’inspecteur Javert, qui pourchasse Valjean depuis toujours mais croit
s’adresser à Madeleine, qu’un dénommé Champmathieu a été reconnu comme étant le forçat
Jean Valjean. Un simple vol de pommes va condamner le pauvre homme au bagne. Le
véritable Jean Valjean se retrouve face à un terrible cas de conscience : doit-il ou pas se
dénoncer à la justice afi n de sauver l’innocent qu’on accuse d’être lui.
Consigne :
1.
Associez à chaque thèse les arguments qui la soutiennent.
Exemple : « Car tous ses côtés sont les mêmes. » soutient la thèse « La table est carrée ! »,
et « Parce qu’elle est rouge. » soutient la thèse « La table est jolie ! ».
2.
Classez les arguments par force : lequel vous paraît devoir décider de la conduite de Jean
Valjean ?
Exemple : « Car tous ses côtés sont les mêmes. » soutient la thèse « La table est carrée ! »,
et « Parce qu’elle est rouge. » soutient la thèse « La table est jolie ! ».
(Bonus : classez les arguments selon qu’ils fassent appel à des valeurs morales, ou à des
prescrits légaux)
Contenu de cette boîte :
-
13 morceaux de bois, dont deux reprenant une thèse et les 11 autres un argument
soutenant l’une ou l’autre thèse ;
-
Un corrigé sur papier vert ;
-
Une triple page explicative, collée dans le fond.
20max
1
‣
4p.
Préparation de la Situation d’Apprentissage
Le dilemme de Jean Valjean
UAA :
2.1.1
.
Discours et pièges du discours
2.1.5. Légalité et légitimité de la norme
Thème(s) :
Jean Valjean a-t-il raison d’aller se dénoncer ? Pourquoi ?
Compétences développées :
Acquis d’apprentissage :
Au terme de cette situation d’apprentissage, les élèves seront capables de :
-
[Identifi er quelle thèse soutient quel argument] ;
-
(
Identifi er des conflits entre différentes sources de légitimité [morale, légale]) ;
-
(Distinguer légitimité et légalité) ;
-
(
Justifi er une prise de position en rapport avec la légalité ou la légitimité d’une norme)
.
Durée :
Entre 20 minutes et une heure de cours (si bonus)
Prérequis :
Savoir ce qu’est un raisonnement (une question donnant lieu à une thèse soutenue par un ou
plusieurs arguments…).
Avoir une petite idée de l’histoire de Jean Valjean (au moins lire la mise en situation de la
page précédente)
2.1.5.
Expliquer les raisons d’un choix face à un dilemme opposant légalité et
légitimité
2.1.1.
Évaluer la validité d’un raisonnement et la cohérence d’un discours
Ressources :
Matériel et support(s) :
Contenu de la boîte (cf. consignes).
Public cible :
É
lèves de 5ème année de l’enseignement professionnel.
Déroulement de l’activité
:
Les élèves commencent, ensemble, par associer les arguments à l’une ou l’autre thèse.
Co-construction du savoir
Il·le·s discutent ensuite de l’ordonnancement des argument en fonction du critère de « force »,
du moins au plus décisif.
Co-construction du savoir, discussion nécessaire
des normes qui fondent les arguments.
Le groupe peut consulter le corrigé dès le début de ce travail, afi n d’utiliser l’ « aide » (extraits
du texte original) pour mieux sentir comment ces arguments se répondent les uns aux autres
dans l’esprit de Jean Valjean.
Savoir(s) :
Savoir-faire :
Attitude(s) :
2.1.5.
:
(B : Légalité [prescrit légal] et
légitimité
[valeur morale
])
2.1.1.
:
[Raisonnement, thèse, argument]
Lire, comprendre et
analyser un
[raisonnement]
Questionner
Conceptualiser
Adopter une posture
critique
Se décentrer
Le dilemme de Jean Valjean
2.1.1
.
Discours et pièges du discours
2.1.5. Légalité et légitimité de la norme
Aide
:
Ci-après, le texte original, issu des
Misérables
de Victor Hugo, pour vous aider à trancher sur la
force des différents arguments et à comprendre d’où ils viennent.
Tempête sous un crâne
A
près tout, s’il y a du mal pour quelqu’un, ce n’est aucunement de ma faute. […] De quoi est-
ce que je vais me mêler ? Cela ne me regarde pas.
Comment !
J
e ne suis pas content ! Mais qu’est-ce qu’il me faut donc ? Le but auquel j’aspire
depuis tant d’années, le songe de mes nuits, l’objet de mes prières au ciel, la sécurité, je
l’atteins ! C’est Dieu qui le veut.
Je n’ai rien à faire contre la volonté de Dieu. Et pourquoi Dieu
le veut-il ? Pour que je continue ce que j’ai commencé, pour que je fasse le bien, pour que je
sois un jour un grand et encourageant exemple, pour qu’il soit dit qu’il y a eu enfi n un peu de
bonheur attaché à cette pénitence que j’ai subie et à cette vertu où je suis revenu !
[…]
C’est
décidé, laissons aller les choses !
L
aissons faire le bon Dieu !
Il se leva de sa chaise, et se mit à
marcher dans la chambre. — Allons, dit-il, n’y pensons plus. Voilà une résolution prise !
— Mais il ne sentit aucune joie.
Au contraire.
On n’empêche pas plus la pensée de revenir à une
idée que la mer de revenir à un rivage. Pour le matelot, cela s’appelle la marée ; pour le
coupable, cela s’appelle le remords.
[…] Il se demanda sévèrement ce qu’il avait entendu par ceci : « Mon but est atteint ! » Il se
déclara que sa vie avait un but en effet. Mais quel but ?
C
acher son nom ?
T
romper la police ?
Était-ce pour une chose si petite qu’il avait fait tout ce qu’il avait fait ? Est-ce qu’il n’avait pas un
autre but, qui était le grand, qui était le vrai ? Sauver, non sa personne, mais son âme.
Redevenir honnête et bon. Être un juste !
[…]
– Fermer la porte à mon passé ? Mais je ne la ferme pas, grand Dieu ! je la rouvre en
faisant une action infâme ! je redeviens un voleur, et le plus odieux des voleurs ! je vole à un
autre son existence, sa vie, sa paix, sa place au soleil ! je deviens un assassin ! je tue, je tue
moralement un misérable homme, je lui inflige cette affreuse mort vivante, cette mort à ciel
ouvert, qu’on appelle le bagne !
[…] –
Eh bien, dit-il, prenons ce parti !
F
aisons notre devoir !
S
auvons cet homme !
[…] Et puis tout à coup il pensa à la Fantine.[…] Ici une crise nouvelle se déclara.
[…] Tiens, et cette pauvre femme ! Ah çà, mais ! jusqu’ici je n’ai considéré que moi ! je n’ai eu
égard qu’à ma convenance ! Il me convient de me taire ou de me dénoncer, – cacher ma
personne ou sauver mon âme, – être un magistrat méprisable et respecté ou un galérien
infâme et vénérable, c’est moi, c’est toujours moi, ce n’est que moi ! Mais, mon Dieu, c’est de
l’égoïsme tout cela ! Ce sont des formes diverses de l’égoïsme, mais c’est de l’égoïsme ! Si je
songeais un peu aux autres ?
[…]
On lâche ce Champmathieu, on me remet aux galères, c’est bien. Et puis ? Que se passe-t-
il ici ? Ah ! ici, il y a un pays, une ville, des fabriques, une industrie, des ouvriers, des hommes,
des femmes, des vieux grands-pères, des enfants, des pauvres gens !
[…]
Je m’ôte, tout meurt.
– Et cette femme qui a tant souffert, qui a tant de mérites dans sa chute, dont j’ai causé sans le
vouloir tout le malheur ! Et cet enfant que je voulais aller chercher, que j’ai promis à la mère !
Est-ce que je ne dois pas aussi quelque chose à cette femme, en réparation du mal que je lui ai
fait ? Si je disparais, qu’arrive-t-il ? La mère meurt. L’enfant devient ce qu’il peut.
Voilà ce qui se
passe, si je me dénonce. – Si je ne me dénonce pas ? Voyons, si je ne me dénonce pas ?
Voyons, si je ne me dénonce pas ?
[…]
Eh bien, cet homme va aux galères, c’est vrai, mais, que diable ! il a volé ! J’ai beau me
dire qu’il n’a pas volé, il a volé !
[…] –
Ah çà, j’étais fou, j’étais absurde, qu’est-ce que je parlais donc de me dénoncer ?
[…] Beaux scrupules qui sauvent un coupable et qui sacrifi ent des innocents, qui sauvent un
vieux vagabond, lequel n’a plus que quelques années à vivre au bout du compte et ne sera
guère plus malheureux au bagne que dans sa masure, et qui sacrifi ent toute une population,
mères, femmes, enfants ! Cette pauvre petite Cosette qui n’a que moi au monde et qui est sans
doute en ce moment toute bleue de froid dans le bouge de ces Thénardier […].
Il se leva, il se remit à marcher. Cette fois il lui semblait qu’il était content.
– Oui, c’est cela. Je suis dans le vrai. J’ai la solution. Il faut fi nir par s’en tenir à quelque chose.
Mon parti est pris. Laissons faire ! Ne vacillons plus, ne reculons plus. Ceci est dans l’intérêt de
tous, non dans le mien.
Jean Valjean décide donc de ne pas se dénoncer, et de faire fondre les chandeliers donnés par
l’évêque pour effacer toutes les traces de sa vraie identité. Mais il entend alors une voix qui
l’interpelle et lui dit qu’il n’est qu’un misérable s’il laisse accuser un innocent.
Or l’idée de retourner au bagne est horrible. Se dénoncer, grand Dieu ! se livrer ! Il envisagea
avec un immense désespoir tout ce qu’il faudrait quitter, tout ce qu’il faudrait reprendre. Il
faudrait donc dire adieu à cette existence si bonne, si pure, si radieuse, à ce respect de tous, à
l’honneur, à la liberté ! […] au lieu de cela, la chiourme, le carcan, la veste rouge, la chaîne au
pied, la fatigue, le cachot, le lit de camp, toutes ces horreurs connues ! À son âge, après avoir
été ce qu’il était !
[…]
Et, quoi qu’il fît, il retombait toujours sur ce poignant dilemme qui était au fond de sa
rêverie : — rester dans le paradis, et y devenir démon ! rentrer dans l’enfer, et y devenir ange !
[…] Hélas ! toutes ses irrésolutions l’avaient repris. Il n’était pas plus avancé qu’au
commencement.
– Victor Hugo,
Les Misérables
, Tome I, Livre VII, Chapitre 3, «
Une tempête sous un crâne
».
Corrigé
:
Au verso, vous trouvez le corrigé du premier exercice et du bonus.
Pour ce qui est de classer les arguments par force, je les ai ici ordonnés du mois fort au plus
fort selon mon propre avis. Vous pouvez avoir un avis différent (donc un classement différent).
N’hésitez pas à en discuter entre vous, et à confronter mon avis au vôtre.
Arguments moraux
Arguments légaux
Car cela ne le regarde pas.
Car c’est la Providence qui a voulu que
Champmathieu soit pris pour lui (et on ne
s’oppose pas à la Providence).
Car il a promis à Fantine, mourante, d’aller
chercher Cosette (sa fi lle) et de la lui ramener, et
de prendre soin d’elles. Il ne peut pas trahir cette
promette. Fantine en mourrait, Cosette grandirait
dans la misère.
Parce que le bonheur et la prospérité de toute la
ville de Montreuil-sur-mer dépend de lui, et cette
responsabilité compte plus que l’erreur judiciaire
concernant ce Champmathieu.
Parce que ça lui permettra de continuer ce qu’il a
commencé, de faire le bien, d’être un jour un
grand et encourageant exemple de repentir et de
vertu.
Jean Valjean ne doit pas se dénoncer !
Car cela lui permettra d’être tout à fait tranquille
vis-à-vis de la Loi : plus personne ne le
cherchera, puisqu’on croira l’avoir trouvé.
Car Champmathieu a volé une pomme, et Jean
Valjean n’avait pas fait pire quand on l’a envoyé
au bagne (il avait volé un pain pour nourrir les
enfants de sa sœur) : Champmathieu mérite
d’être jugé.
Parce qu’il veut sauver son âme : redevenir
honnête et bon (et ne pas se dénoncer serait
malhonnête).
Car il est coupable du premier vol, dont on
accuse également Champmathieu. Il est aussi,
comme lui, en rupture de ban.
Car se livrer, sauver cet homme frappé d’une si
lugubre erreur, reprendre son nom, redevenir par
devoir le forçat Jean Valjean, c’est achever
vraiment sa résurrection, et fermer à jamais
l’enfer d’où il sort.
Car s’il ne le fait pas, il vole à un autre
(Champmathieu) son existence, sa vie, sa paix, sa
place au soleil.
Jean Valjean doit se dénoncer