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E.H. Destelle
4 - Nouvelle Calédonie
Carnets 1878-1879
4
Nouvelle Calédonie
20
Novembre
1878
au
19
Juillet
1879
E.H. DESTELLE
4-
1
v 2.0 05/02/2014
E.H. Destelle
4 - Nouvelle Calédonie
Carnets 1878-1879
Introduction
Ce texte est la transcription la plus exacte possible d’une partie des carnets
personnels tenus par Émile Honoré DESTELLE.
Il a 22 ans, il est sous-lieutenant au 2e régiment d’Infanterie de Marine.
Le 20 Novembre 1878, il débarque à Saïgon du navire de transport
« l’Aveyron ».
Il était en Cochinchine depuis 6 semaines, lorsqu’il a été rappelé
en Nouvelle-Calédonie.
Il va sur la presqu’île Ducos, tenir le poste de M’Bi où il est chargé
notamment de la garde du camp des déportés.
Il va y rester 8 mois, avant d’être affecté aux brigades topographiques
chargées de la réalisation de la carte de l’île.
Iconographie :
La plupart des illustrations de ce texte ont été trouvées sur Internet ou dans des
collections de photos et cartes postales privées. Les dessins ou schéma sont extraits des
carnets et sont de E.H. Destelle, lui-même.
Notes - Annexes :
Les mots en italique sont en général des rajouts au texte initial ou des renvois aux
explications situées à la fi n du texte, dans les Annexes. On trouvera également dans ces
Annexes, les différents noms propres rencontrés dans le texte, ainsi que des détails sur
les militaires et les navires.
Copyright :
Ces documents sont destinés à un usage strictement privé.
Ils sont protégés par les dispositions générales du Code de la propriété intellectuelle.
Toute utilisation, même partielle de ces documents à un quelconque usage commercial est
strictement interdite.
Toute reproduction, même partielle est soumise à autorisation préalable.
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J.P. Destelle. jpdest@gmail.
com
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Au jour on aperçoit le phare, et le pilote arrive à bord à 6 heures.
On se dirige sur la passe Boulari.
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Carnets 1878-1879
La Calédonie apparaît alors au soleil levant avec sa ceinture de récifs sur
laquelle viennent se briser les lames en écumant.
La terre est haute, boisée et ravinée. Il n’y a que les environs de Nouméa qui
sont arides.
L’entrée de la rade est assez pittoresque ; l’île des Pins à droite, et l’île Nou à
gauche, d’autres îlots boisés très jolis. On voit des pins.
La rade est couverte de bateaux de l’État. « La Loire », gros bateau à deux
ponts à voiles, transport, « la Dive » et « la Seudre », sœur de « la Rance » ;
le courrier de Sydney est aussi au mouillage et part demain, nous avons une
excellente occasion pour écrire.
Nous mouillons à 8 heures du matin près de la ville, à l’arrière de « la Loire »
qui commande la rade. On hisse les couleurs un moment après.
La ville de Nouméa n’a pas l’air bien gaie. On dirait Townsville, même genre
d’habitations. On voit les différents monuments, hôpitaux et casernes.
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E.H. Destelle
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Carnets 1878-1879
Notre caserne est dans le haut de la ville et paraît assez belle.
Ont reçoit l’ordre de débarquement pour ce soir à 4h 30.
Le capitaine
De Latour
va à terre prendre les ordres du gouverneur.
Nous déjeunons à bord. Pendant le repas une blanchisseuse vient prendre le
linge du commandant. Elle n’est pas trop mal, et on la plaisante assez.
Nous mangeons des vivres frais et des légumes, cela nous fait un sensible
plaisir.
Les marchands envahissent le bord. Ils vendent des photographies des
canaque
s.
Nous recevons bien des visites des offi ciers des navires en rade. Cela nous
fait passer un peu le temps.
À 4h30, débarquement des troupes.
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Carnets 1878-1879
Nous sommes reçus par ces messieurs sur la plage.
Il n’y a que deux sous-lieutenants, que j’ai connus à Toulon sous-offi ciers.
Le commandant Nicot nous reçoit, et on se met en marche vers la caserne où
les hommes sont installés immédiatement.
Moroni, un sous-lieutenant, m’offre refuge en attendant, car nous sommes
comme l’oiseau sur la branche.
Il y a une chambre vide très convenable à côté de la sienne, et il est probable
que je la prendrai, si je reste ici.
Nouméa est assez grande, assez bien bâtie, mais n’arrive pas, de beaucoup,
à la hauteur de Saïgon. C’est un village à côté d’une ville.
La population est ici très mélangée, et il paraît qu’on risque fort de faire de
très mauvaises connaissances si on se lie au hasard.
Il y a grand nombre de condamnés libérés qui sont commerçants et avec
lesquels il est toujours bon de ne pas frayer.
Nous allons le soir chez « la Cousine », c’est le café de l’infanterie de marine,
café français, sur la Place des Cocotiers.
La maîtresse de maison est en même temps notre maîtresse d’hôtel et on est
bien.
Il faut avouer que cette dame n’a rien de remarquable, elle est plutôt laide
que belle, et avec cela, a une tournure assez équivoque.
C’est aujourd’hui mercredi et, paraît-il, jour de réception au gouvernement.
On nous a invité, on dansera.
Rien de nouveau dans la colonie. L'état de l'insurrection est toujours le même
et on ne sait pas encore ce qu’on va faire de nous.
Mais dans tous les cas, il est probable que nous ne resterons pas longtemps
à Nouméa.
Nous dînons fort bien chez la Cousine, et après nous allons nous préparer
pour la soirée avec Moroni.
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E.H. Destelle
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Carnets 1878-1879
Le gouvernement est très bien installé pour ces réceptions et le gouverneur,
M. Olry (capitaine de vaisseau) qui, en outre de sa solde est fort riche, fait les
choses en grand.
Je vois là
De Joux
, l'offi cier d’ordonnance du général de Trentinian, auquel je
suis présenté, ainsi qu’au gouverneur et au colonel Outré, petit homme rond,
le teint frais, les yeux vifs, chauve, et ayant l’air le plus scrutateur du monde.
Il me présente à sa femme et à ses deux demoiselles qui sont très gentilles.
L’une est brune et l’autre blonde.
La soirée s’est très bien passée et a duré jusqu’à minuit. On a servi tout le
temps des rafraîchissements et à la fi n surtout.
Demain à 8 heures, nous faisons nos visites.
21
Novembre
. Jeudi.
Nous voyons à 8 heures le gouverneur, homme bien conservé, représentant
très bien et assez froid.
Le colonel nous reçoit aussi bien, mais ce qu’il nous a dit m’a paru assez
insignifi ant.
Il nous annonce que nous ne resterons pas longtemps ici, et que pour
commencer, demain nous allons, la 40 à la presqu’île Ducos, la 39
à l’île Nou avec 40 hommes, et Rollin à Tindu, un poste de la presqu’île
Ducos.
Il paraît qu’on est très bien là-bas, tant mieux.
D’ailleurs, on est au bord de la mer et tout va pour le mieux.
On arme la compagnie ce soir, et j’y assiste.
Je fais tous mes préparatifs de départ.
Ce soir nous allons chez La Cousine où nous trouvons tous ces messieurs.
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E.H. Destelle
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Carnets 1878-1879
Je vais le soir rendre l’appel à la place de M. Jacquin, qui a le docteur comme
invité et en rentrant je vois mon ami Touren (aide médecin de marine, ami de
collège, sept ans ensemble à Nîmes). Jugez de notre joie, se rencontrer au
bout du monde après une aussi longue disparition.
Nous avons passé la soirée le plus gaiement possible ensemble, et à 10
heures, je l’ai conduit à son canot.
Il appartient au « Hugon », aviso arrivant ce soir à 3 heures de la station du
Japon.
Le Kersaint, jumeau du Hugon
Ils ont fait un très joli voyage.
À mon retour, j’ai trouvé tous ces messieurs installés au café chez La
Cousine, et l’on m’a amené au Cercle où l’on joue beaucoup et gros jeu.
J’ai vu
De Joux
perdre dans un moment 800 Fr. Ça ne fait que me dégoûter
davantage du jeu.
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E.H. Destelle
4 - Nouvelle Calédonie
Carnets 1878-1879
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Novembre
. Vendredi.
Nous partons ce matin pour la presqu’île Ducos où nous arrivons vers 8h30.
Nous trouvons un très joli poste situé sur une hauteur, bien aéré, en face de
l’île Nou.
M. et Madame De B. sont là, et ont tout déménagé.
M. Guilleminot, lieutenant, nous laisse le logement complètement débarrassé.
La compagnie doit partir aussitôt les postes relevés.
M. Bascans, capitaine d’infanterie de marine est commandant territorial ; il
nous invite à déjeuner chez lui.
Il est marié avec une femme fort riche.
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E.H. Destelle
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Carnets 1878-1879
Nous avons été très bien reçus chez lui, et sa femme est très bien, je parle
au fi guré, car malheureusement au physique elle n’a rien de bien séduisant.
Le capitaine est fort bien à tous les points de vue, et je crois que c’est la
fortune qui lui a fait faire ce mariage.
Nous sommes encore invités pour le soir et tout va pour le mieux car nous
n’avons rien à manger encore.
C’est M. Jacquin qui se charge de la gamelle.
Nous avons trouvé un cuisinier parmi les soldats, mais je ne sais comment il
s’en tirera car il n’est pas très fort.
Pastré, mon ancienne ordonnance de Toulon nous sert de maître d’hôtel.
Mon soldat, Cahours, se conduit très bien et j’en suis très content, il fait tout
ce qu’il peut.
Notre installation est très bonne. Les logements sont grands, bien aérés,
surtout le mien.
Devant la porte, belle vue de l’île Nou, de la mer et du récif.
Nous avons un jardin de fleurs que l'on entretient très bien.
D’ailleurs, le capitaine a fait désigner des jardiniers pour cela.
C’est l’eau qui manque un peu. Il y a au poste un certain nombre de caisses
à eau pour boire, mais pour arroser, les soldats descendent derrière le poste
dans la vallée, où se trouve le jardin de la troupe et remplissent des barriques
qu’ils ont la peine de traîner jusqu’ici. C’est très fatigant.
Le capitaine est assez égoïste et se sert de tous nos meubles pour ne pas se
donner la peine de faire porter les siens ici ; d’ailleurs on m’avait averti.
L’aspect des environs est assez désolé ; des mornes nus ou recouverts
d’herbes sèches.
Le village ou les quelques cases qui composent l’établissement de M’Bi (nom
du poste) sont dans la vallée qui se trouve sous le poste de la troupe.
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